Enjeux et difficultés de la communication dans le syndrome de Prader-Willi (SPW)
Dans la période pré-linguistique, le bébé porteur du syndrome de Prader-Willi est entravé par son importante hypotonie qui va aussi toucher les organes phonateurs que sont la langue, le pharynx et le larynx.
Ce trouble du tonus du carrefour aéro-digestif a des répercussions aussi bien sur les capacités de déglutition avec une succion faible, de phonation avec des vocalises très réduites et de respiration entraînant un stridor (frein inspiratoire bruyant) et une respiration limitée en amplitude.
Les premières phonations (sons) sont émises avec retard par rapport à un bébé sans pathologie et le plus souvent réduites à des ébauches peu intenses et peu modulées. Trevarthen et Gratier (« Voix et musicalité : nature, émotion, relations et culture » dans Au commencement était la voix, 2005), rappellent que la mère et son bébé accordent d’instant en instant leurs expressions vocales de manière « quasi musicale ». Ces auteurs ont montré que les interactions vocales spontanées avaient des signatures prosodiques culturelles différant d’un pays à l’autre. « En s’accordant aux modes intérieurs et aux ressentis fluctuant des autres, [...] le bébé gagne de l’expertise dans le domaine du savoir implicite ». Il y a plus de difficultés à mettre en place une dynamique interactive en cas de syndrome de Prader-Willi.
Naturellement le bébé est un émetteur d’émotions, le parent les reconnaît, les traduit et les transfère à son enfant. Le bébé avec un syndrome de Prader-Willi, du fait de ses difficultés motrices, de son amimie (absence de mimiques du fait de la diminution de la mobilité du visage) et de la pauvreté de ses gazouillis, pose d’avantage de difficulté de traduction émotionnelle. Le dialogue tonico-émotionnel, prémices à la communication, est affecté. Les adaptations toniques et posturales dans la dyade parent-enfant sont plus limitées.
Les difficultés peuvent donc être précoces et impacter durablement les capacités fonctionnelles de communication. Reconnaître ces difficultés et soutenir les premières interactions est donc indispensable. Quelques moyens simples peuvent être mis en place très précocement. Le positionnement du bébé est primordial afin de le mettre en capacité d’échange.
Le face à face, en gardant une distance respectant l’espace inter subjectif est le plus adapté à cet échange. Savoir reconnaître les variations de mimiques, favoriser le regroupement des mains vers l’axe médian du corps, l’interprétation et la modulation intonative et en intensité des ébauches phonatoires jouent un rôle primordial d’enrichissement des premières conversations
Dans la période d’acquisition du langage oral, les troubles de contrôle du tonus musculaire vont retentir sur les capacités de réalisation motrice de la phonation, touchant à la fois la voix et la parole.
Les modulations rapides sont quasi impossibles, ce qui est à l’origine d’une voix soit très peu intense, soit forcée dont la hauteur reste très souvent limitée aux fréquences aigües. On note également un manque de variation mélodique, une imprécision des points d’articulation des consonnes et une indifférenciation des voyelles par incapacité à modifier rapidement le conduit vocal.
Certains mouvements restent très longtemps impossibles à réaliser, notamment l’indépendance de motricité de la langue et des lèvres, la montée de la pointe de langue et la tenue de fermeture postérieure du voile du palais. La voix est nasale, l’articulation floue rendant parfois difficile l’intelligibilité de la parole. Les thérapeutes du langage peuvent parler de trouble phonologique (décalage d’acquisition de certains points articulatoires) ou même de dysarthrie ou troubles de l’élocution (lorsque les nombreuses élisions ou suppressions et substitutions phonémiques entravent la compréhension du discours). L’entourage familial, les aidants naturels et professionnels sont alors confrontés à la difficulté d’interprétation de ces « ébauches informes », un « dire sans mot » mais qui ne peut pas être organisé par la mimique et l’intonation chez l’enfant avec le syndrome de Prader-Willi. En général, l’apparition des premiers mots est retardée et il existe un décalage net entre le niveau expressif et le niveau de compréhension (appelé aussi réceptif).
La communication non verbale (analogique), c’est-à-dire la transmission de messages de type émotionnel ou affectif par le biais de comportements que sont le regard, les mimiques la gestuelle, est plus ou moins perturbée aussi bien sur un plan réceptif (difficultés visuo- spatiales, manque de compréhension des émotions...), qu’expressif (voix trop faible ou stridente, animie et gestuelle pauvre ou stéréotypée).
La communication orale (digitale), c’est-à-dire la transmission d’un message linguistique, est entravée par les difficultés phonatoires (à produire des sons) et d’accès au sens en lien avec le retard d’acquisition de langage. L’enfant a conscience de son handicap et va être peu enclin à communiquer surtout avec ses pairs, ce qui ne fait que surajouter au déficit, l’apprentissage étant souvent un jeu d’adaptations par essais-erreurs.
Il est fréquent d’entendre dire qu’il a un défaut d’initiation ou un manque d’intentionnalité à la communication. Ou bien, la personne va redire sans cesse les mêmes phrases, comme rassurée sur les possibilités de compréhension par l’interlocuteur d’un énoncé « standardisé ». Il faut alors se méfier de certains types d’apprentissage langagier qui pourraient favoriser la répétition de mots sans en comprendre le sens et sans y adhérer en ne visant que la précision articulatoire et la richesse lexicale. L’utilisation d’autres signes linguistiques, c’est-à-dire de signes codés tels que ceux de la langue des signes et de signes écrits vont permettre de soutenir cette communication verbale défaillante. On peut parler alors d’une communication aidée.
Certains programmes à la communication et au langage existent et peuvent être utilisés très précocement pour venir soutenir l’acquisition du langage oral. Ils utilisent pour la plupart un vocabulaire fonctionnel recourant aussi bien à la parole, à des signes codés gestuellement et à des pictogrammes. Il en existe deux particulièrement utilisés en France, le Makaton et le PECS (Picture Exchange Communication System). Le Makaton a été plutôt développé pour des enfants souffrant de troubles des apprentissages et le PECS pour des enfants autistes. Ils ont la particularité tous deux d’offrir une représentation visuelle du langage pour en faciliter l’expression et la compréhension. Leurs objectifs sont d’établir une communication fonctionnelle, de favoriser les échanges au quotidien, de favoriser l’oralisation, de structurer le langage oral par l’association de signes ou de pictogrammes. Contrairement à l’idée reçue, l’utilisation de signes n’entre pas en concurrence avec celle de sons articulés, bien au contraire, le signe stable vient étayer la fragilité du mot mal articulé. Pour certains enfants, le recours à une communication aidée peut n’être que ponctuel permettant de différencier des émotions telles que la colère, la tristesse ou la douleur, pour d’autres elle sera l’alternative à une communication orale trop défaillante.
Papa d’un jeune garçon de 5 ans |
Communiquer avec le jeune enfant
“ Loan est rentré au CP en septembre 2013, la lecture est acquise depuis l’été 2013 (2 séances d’orthophonie hebdomadaire depuis ses 4 mois, succion, souffle, massages buccaux au départ... + beaucoup de lectures + jeux ludiques autour des lettres...) ; nous avons utilisé le français signé pour communiquer par signe durant une période afin de limiter les frustrations et disposer d’une communication bi-directionnelles favorisant les intéractions sociales (kiné formée, avec les parents de Loan, au français signé via 12h de cours, et des dictionnaires de français signé). ”
Laisser un commentaire