Alimentation

Les personnes ayant un syndrome de Prader-Willi doivent bénéficier :

  • D’un accompagnement spécifique et strict de l’alimentation qui sera bien accepté s’il est basé sur de la confiance, de la bienveillance et de l’empathie,
  • D’une alimentation adaptée et contrôlée tout au long de leur vie.

Aujourd’hui, il n’y a pas d’autonomie possible et durable dans le domaine de l’alimentation. 

Quelques témoignages

L’alimentation de Gaétan, 8 ans

Un cadre strict pour des repères qui rassurent et sécurisent

Face à ce grand challenge qu’est l’alimentation de nos enfants Prader-Willi, nous avons choisi un cadre sans concession mais aussi des repères fixes pour conforter les rituels.

Pas question de mettre toute la famille au régime car Gaétan doit être confronté le plus tôt possible aux restrictions alimentaires et aux aliments qu’il n’a pas le droit de manger. Nous mangeons toujours tous ensemble, et Gaétan est maintenant habitué à avoir, des fois, des aliments différents des nôtres dans son assiette. Il sait que les aliments trop gras, trop sucrés ou trop caloriques lui sont interdits. Il l’accepte, car son assiette est elle aussi toujours très alléchante.

Pour le rituel, il y a toujours une entrée un plat et un dessert, et quand le dessert est terminé c’est la fin du repas. Il sait alors qu’il est allé au bout du repas et qu’il peut plier sa serviette. Ce début et cette fin permettent de lui donner un cadre rassurant face à son envie de manger et aussi un signal qui lui impose de s’arrêter de manger.

Les placards de la maison sont tous libres d’accès, pour l’instant, et il n’y va que pour préparer son petit déjeuner, ou pour nous aider à cuisiner. Il participe activement à la réalisation des plats, même ceux qu’il ne mangera pas. Un de ces jeux favoris est, avec une dinette, de préparer des repas pour ses peluches. Nous pensons que cela lui permet d’assouvir son attirance pour la nourriture.

Nous ne dérogeons pas à ce cadre et Gaétan l’accepte bien, mais nous sommes très attentifs à ne pas le mettre en difficulté face à la nourriture. Par exemple, quand nous sommes invités nous lui apportons son repas quand le menu n’est pas adapté pour lui, et nous coupons court aux apéritifs, pour lui, en le faisant manger pendant que nous finissons l’apéritif. Le rappel du cadre l’aide face à ces sollicitations, et il reste serein une fois son repas terminé, même si nous continuons à manger de notre côté.

Nous pensons qu’ainsi Gaétan est mieux armé pour affronter le monde qui l’entoure, mais aussi déjà mieux inséré. La difficulté pour nous reste de toujours avoir « une main de fer dans un gant de velours » mais aussi d’être toujours très attentifs, très réactifs et imaginatifs et ne pas être figés dans des croyances et des certitudes, car rien n’est définitivement gagné !

Récit de la grande soeur de Julien, 20 ans

 

À table ! À table !

Un cri qui résonne comme une alarme dans toute la maison.

Aussitôt il se précipitera vers le lieu du plaisir du goût et de l’odorat. Il n’y peut rien, la nourriture est son obsession.

Comme toujours, ce sera le moment le plus étrange de la journée. Se mêleront alors dans la pièce, l’attente des mets, la crainte d’une colère et les grognements de l’assistance face aux éternels légumes verts.

Premier arrivé, premier servi. Son assiette est pesée et la présentation soignée. Son plat s’approchera de la place qui lui a été impartie et tous les yeux le fixeront, une légère angoisse au coin. Sa réaction déterminera la suite du repas. Il a l’air content, tout le monde se détend. Il fait la grimace, un silence tenace envahira la pièce, qui pourtant avec ses couleurs gaies est plutôt sensas !

Et puis, il faut faire attention à ce que tout le monde soit à égalité : pas un haricot vert en trop pour le père, pas une noisette de beurre pour la sœur, sinon c’est la frustration. Et sans en avoir l’air, de la frustration naît la colère.

Gare aussi aux soucis lorsqu’il s’est endormi, car de fatigue aussi, c’est dans son assiette qu’il plonge. Pour ne pas risquer une asphyxie alimentaire, mieux vaut un réveil autoritaire. À ce moment-là il criera qu’il ne dormait pas, ce qui provoquera un débat.

Pour ne pas s’énerver, mieux vaut plier que le voir s’entêter. Il replongera une ou deux fois au fond de ses petits pois, mais une fois son plat englouti, il ira vite au lit.

Récit du papa de Joachim

 

Aujourd’hui, Joachim a 13 ans, les armoires et le frigo ne sont pas fermés à clef, et il y a toujours un ou deux plateaux de fruits sur les tables. L’accès à la nourriture est libre mais simplement interdit sans permission. Pour l’instant, la consigne suffit et nous n’avons pas de dérapage de ce côté. Son régime est par contre peu sévère, seuls les bonbons et le chocolat lui sont interdits, pour le reste c’est une question de quantité et d’équilibre. Joachim est attiré par la nourriture, il mangerait sans fin et sans faim, mais la faim ne le tiraille pas. Nous pouvons facilement changer les heures de repas ou encore sauter le goûter sans que cela ne pose de problème. Il est cependant incapable de gérer seul la nourriture.

Le verrou sur le frigo, on l’a pourtant connu, tout petit avant qu’il ne parle et qu’il ne comprenne les mots et leurs sens. Je me rappelle, il devait avoir environ 2 ans, il avait ouvert la petite porte du congélateur (modèle en dessous du frigo), on l’a trouvé devant cette porte ouverte, assis par terre, en train de sucer un morceau de viande congelée qu’il avait réussi à attraper. J’ai donc installé un simple verrou (à ressort) sur le frigo congélateur. Pour ceux que cela intéresse, ce frigo avait des pattes de charnières à gauche comme à droite, la porte sur ce modèle étant réversible (ouverture à gauche ou à droite selon les besoins) et j’ai donc employé les pattes du côté non utilisées pour bricoler un verrou. Je n’ai donc pas eu besoin de forer des trous.

Plus tard, avec la parole, la communication étant enfin établie, nous avons pu tout doucement établir des règles. Je ne citerai qu’une des règles établies, celle qui à mon sens nous a permis de vivre de cette façon, nous l’avons instaurée spontanément : « Tu prends de la nourriture sans demander, on te retire de la nourriture ». Joachim devait avoir environ 7 ans, il a pris sans demander de la nourriture qui ne lui était pas destinée ; après un petit temps de réflexion, je lui ai annoncé qu’on lui supprimerait sa banane prévue le lendemain matin avec ses céréales. Je lui ai présenté cette décision comme étant un rééquilibrage de son régime et que la sanction était qu’on lui retirait l’aliment le meilleur. Cela a provoqué une scène avec une soirée et une nuit difficiles, mais nous avons tenu bon. Un mois plus tard il a recommencé, mais la scène a été plus calme et depuis, plus rien.

Je crois que la règle est bien ancrée et toujours présente. Nous ne l’avons donc appliquée que 2 fois, et cela fait 6 ans que nous sommes « tranquilles » de ce côté. Je n’hésiterais pas une seconde à recommencer le jour où cela ce reproduirait, il en est conscient, il s’en rappelle et en parle de temps en temps.

Nous ne punissons (ni ne récompensons) jamais avec la nourriture, sauf dans ce cas précis, où il s’est agi d’une sanction à mon sens équilibrée, adaptée et qui lui a convenu.

On a profité lors du remplacement du vieux frigo par un nouveau pour ne plus mettre de fermeture et d’essayer de vivre un peu plus « normalement ». Pour l’instant, touchons du bois, « ça marche ». Pour plus tard, on espère, mais on verra et on s’adaptera. 

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