L’école, les apprentissages et la formation dans le syndrome de Prader-Willi (SPW)
L’école est souvent le premier lieu de socialisation, en dehors du cercle familial, pour les enfants. Favoriser une intégration précoce dans des lieux de socialisation à taille restreinte, permettant d’avoir des espaces d’intimité et des espaces intermédiaires, entre être seul et être avec l’ensemble du groupe, les aide à se développer dans un groupe.
Assez vite, il peut être intéressant d’emmener l’enfant voir un psychologue avec qui il développera son espace intime, son espace à lui.
Malgré le rapport difficile à la nourriture, éviter la désocialisation et les restrictions extrêmes qui vont trop frustrer l’enfant et qui auront un retentissement sur le comportement. Oser aller aux évènements de la vie sociale organisés par l’école ! En expliquant ce que peut être le vécu du syndrome de Prader-Willi au groupe « classe » (et aux parents), il est possible d’organiser un goûter d’anniversaire ou une fête de fin d’année.
Durant la scolarité, il est très important de s’adapter au niveau de l’enfant, d’écouter les choix de l’adolescent et d’être attentif à la relation aux pairs.
Chez les enfants ayant un syndrome de Prader-Willi, le rythme de progression est généralement plus lent que pour les autres enfants, mais le délai des acquisitions n’empêche pas l’acquisition. Ceci justifie par contre une aide, une attention particulière. Le déficit d’attention induit des besoins d’aide (Auxilliaire de Vie Scolaire ou AVS) pour que l’enfant comprenne la consigne, se centre sur la tâche et maintienne son attention sur l’activité en cours. L’AVS pourra de même aider l’enfant à ne pas se laisser disperser par le groupe.
Il est important également de rester vigilant au vécu de l’enfant et à son ressenti, et de ne pas oublier que ces enfants sont vulnérables dans leur relation aux pairs (surtout sur les temps périscolaires des garderies et récréations pendant lesquels ils peuvent se faire « embêter » et abuser).
Pour éviter l’excès de sollicitations et diminuer la fatigue, il convient de mettre en œuvre des stratégies adaptées, en observant le comportement de l’enfant, en détectant les éventuels états de saturation et en adaptant les conduites éducatives en fonction des individualités. Ceci est valable en milieu scolaire mais également à la maison où les temps d’apprentissage de nouvelles compétences peuvent être favorablement choisis : privilégier le matin, profiter du week-end pour laisser plus de temps à l’enfant pour réaliser ses gestes du quotidien comme s’habiller seul, nouer ses lacets etc.
Au regard de leurs processus cognitifs particuliers, la recherche est à développer et les méthodes d’accompagnement sont à évaluer.
Il existe des méthodes et des outils adaptés et spécifiques à l’apprentissage : des outils visuels, un travail d’orthophonie, des exercices de motricité, des équipements adaptés comme une table individuelle et un plan de travail aménagé...
Il y a très peu d’apprentissage « implicite » du fait de la répétition comme chez d’autres enfants. Il est nécessaire d’expliciter et de ré-expliquer, de faire comprendre et de répéter. Il s’agit d’une pédagogie individuelle qui s’écarte des choses intuitives.
Tous les aménagements pratiques peuvent être prévus dans le cadre du Projet d’Accompagnement Individualisé (PAI) et dans celui du Projet Personnalisé de Scolarité (PPS). Les aménagements liés à la pratique du sport, à la qualité des repas, et parfois aux aides techniques, nécessitent une rencontre et un échange avec l’établissement scolaire.
Les familles doivent être associées à l’élaboration de ces documents stratégiques et à leur suivi, notamment lors des réunions des équipes de suivi de la scolarisation.
Maman d’une jeune femme de 37 ans |
“ La kinésithérapeute de mon fils m’a très vite fait comprendre que les temps de vacances étaient des fenêtres thérapeutiques primordiales où il fallait cesser toute rééducation afin de permettre à l’enfant de synthétiser toutes les stimulations ou les apprentissages des semaines précédentes. Mon fils est ainsi toujours rentré de vacances avec un progrès nouveau à annoncer. Grâce à un bon aménagement de son espace, le protégeant des bruits et stimulations visuelles de la classe, mon fils est passé en petite section de 5 à 25 minutes de concentration. Une petite révolution pour l’AVS et la maîtresse !
Tout était accompagné par un étayage visuel (pictogrammes, photos, livres ou langages des signes) qui permet à l’enfant de saisir, de se repérer, et enfin d’avoir une action sur sa logique interne et sur le monde externe. Cela les apaise aussi et plus l’anxiété baisse, plus la confiance s’installe et plus elle s’installe, plus l’apprentissage s’organise. ”
En raison de leur bon niveau global, il est aisé de penser qu’un enfant ayant un syndrome de Prader-Willi comprend parfaitement tout ce qu’on lui dit. Cependant, ce n’est pas toujours le cas, c’est pourquoi il est nécessaire de reformuler et de le faire reformuler plusieurs fois avec ses propres mots ce qui s’est dit, d’illustrer la consigne avec des exemples concrets, imagés si nécessaire.
Utiliser un langage simple, pas de phrases longues (« s’il te plait, va cherchez les assiettes» est plus facile à comprendre que « mon chéri, s’il te plait, pourrais-tu aller chercher les assiettes dans l’armoire »). Il faut donc favoriser un vocabulaire concret (un objet = un mot). Le conditionnel est à éviter.
Il y a des personnes qui ont une très bonne expression globale, qui expriment des émotions facilement, ont une grande spontanéité. Cependant, ils peuvent avoir des difficultés d’échanges avec plusieurs interlocuteurs simultanément, des défauts de compréhension du langage élaboré ou complexe.
La réciprocité dans la communication est plus difficile à trouver car leurs associations d’idées sont parfois peu communes, éloignées de celles des autres et, de fait, déroutantes.
Il peut arriver que les enfants ou adolescents présentent à l’école des « crises ». La crise n’arrive généralement pas sans raison. C’est la plupart du temps en lien avec, soit une situation d’angoisse, soit quelque chose de non-maîtrisable (imprévu), soit un facteur environnemental ou lié à l’accompagnement. Chez les personnes ayant un syndrome de Prader-Willi, le retour au calme est plus long et il faut l’accepter.
Souvent, il y a un besoin d’isolement pour calmer : mise au calme, éloignement du groupe. Eviter d’être trop nombreux autour de la personne le dialogue avec UNE personne calme apaisera plus la crise. Ne pas crier car ils pourront toujours crier plus fort et aller plus loin que nous ! D’autant plus que le mimétisme des attitudes fonctionne bien : adopter une attitude positive, joyeuse, rassurante face à un changement peut désamorcer de potentielles crises et apaiser la siuation. Si le conflit est là, laisser redescendre la tension, ne pas tenter de convaincre sur le moment et reprendre l’évènement ensuite car ils ne peuvent pas entendre quand ils sont en crise.
Des comportements d’empathie, la démonstration que l’on fait confiance, que l’on prend en compte la voix de la personne, sont autant d’attitudes qui contribuent à installer un environnement apaisant pouvant prévenir les affrontements. Etre attentif aux relations qu’ils entretiennent avec d’autres car ils sont hypersensibles aux regard des autres sur eux (ils ont plus fortement besoin d’un regard aimant). Cette hypersensibilité vis-à-vis des autres, leur attention à de petites choses dans leur environnement leur confère d’ailleurs des capacités extra-ordinaires de déduction, et une certaine forme d’empathie à valoriser dans un groupe.
Se référer également à la notion d’environnement « rassurant » et aux contrats établis. Les difficultés relationnelles peuvent être évitées par une mobilisation de tous dans le même sens : par exemple, si tout le monde respecte les règles établies concernant l’alimentation cela diminue les sources de conflit !
Maman d’une jeune femme de 30 ans |
Montrer la confiance que l’on accorde à la personne
“ A un moment où notre fille adulte était dans une période difficile, un peu dépressive par rapport à ses difficultés et à tout ce qu’elle ne pouvait pas faire, l’établissement où elle est accueillie lui a proposé « un contrat de travail ». L’établissement s’est appuyé sur ses capacités de lecture et écriture (que beaucoup d’autres résidents n’ont pas) et lui ont demandé de s’occuper du « cahier de présence » en passant dans tous les groupes tous les matins. Cette responsabilité l’a vraiment valorisée, cela lui a montré qu’elle avait des capacités que les autres n’avaient pas et que les adultes avaient confiance. ”
Le terme de « partenariat » est là pour rassurer les enseignants : ils ne sont pas seuls dans l’accompagnement ! Les parents doivent reconnaitre le travail de l’enseignant et peuvent lui suggérer des idées qu’il sera libre de suivre ou non : aucun professionnel ne veut être en échec, donc il est possible de les aider ! Il existe de nombreuses expériences de collaborations réussies.
L’association Prader-Willi France peut également intervenir dans les écoles à la demande des enseignants.
Il existe une importante problématique autour des pauses « gâteaux » le matin et de la tentation très forte de prendre le goûter dans le cartable des copains. L’idéal serait qu’une alimentation équilibrée soit proposée pour tous les enfants et de faire connaître ces règles de diététiques à tous les parents.
Il est souhaitable que les denrées alimentaires ne restent pas dans les cartables mais soient ramassées et gardées par la maîtresse.
Pour les repas à la cantine, demander si possible un menu adapté (la même chose que pour les autres enfants, sans trops de sauce, de féculents, de beurre, de fromage râpé ou de crème), et favoriser les laitages et fruits en desserts.
Demander les menus à l’avance pour voir si cela peut convenir. Si ce n’est pas possible, faire la « gamelle » de l’enfant et en discuter avec lui, peut-être en essayant d’y mettre des aliments qu’il apprécie particulièrement pour qu’il n’y ait pas de frustration par rapport à l’assiette du voisin.
Les standards d’évaluation ne peuvent pas toujours s’adapter à nos enfants et adultes et il faut plutôt regarder l’évolution des acquisitions de la personnes ayant un syndrome de Prader-Willi que se conforter à une norme qui ne leur correspond pas.
L’évaluation peut pourtant aider à donner des objectifs cohérents dans le cadre d’un PAI à l’école en définissant les attentes dans chaque apprentissage et les objectifs. Ces évaluations doivent être faites par des personnes qualifiées et dans la bienveillance, en associant les professionnels du centre de référence et des centres de compétence
Cela facilitera la vie de tout le monde !
La communication facilite la compréhension de tous !
Ne pas hésiter à ré-expliquer plusieurs fois les particularités et difficultés. Donner toute l’information possible sur le syndrome en mettant bien en avant tout ce qu’ils sont capables de faire. Si possible, faire intervenir aussi des personnes qui ne seront pas les parents concernés, leur parole sera plus écoutée.
Avec les enfants du groupe scolaire, s’il y a un bon contact avec la psychologue scolaire et une réceptivité du groupe, il peut être intéressant de la faire intervenir pour expliquer aux enfants les particularités du syndrome de Prader-Willi.
L’équilibre est difficile à trouver entre une « intégration totale » (aucune différence de prise en charge entre la personne ayant un syndrome de Prader-Willi et les autres enfants) et la stigmatisation (en mettant en place trop d’aménagements spécifiques au syndrome de Prader-Willi) qui entrainerait un sentiment d’exclusion. Il faut essayer de mettre en avant les personnes, de valoriser leurs compétences et de favoriser toutes les règles et/ou activités que peuvent suivre tous les enfants.
Le risque de stigmatisation apparait dès que les enfants peuvent être moqueurs face à la différence. Dans ces moments-là, ce sont tous les adultes qui doivent être attentifs aux risques de stigmatisation voire de persécution dans certains cas extrêmes.
Le suivi psychologique de la personne peut être un moyen pour elle de parler des brimades ou autres comportements de camarades de classe.
La personne avec un syndrome de Prader-Willi peut ne pas comprendre totalement la situation ou ne pas en parler pour vouloir protéger sa famille. Des groupes de parole entre personnes avec le syndrome de Prader-Willi peuvent être organisées par l’association en région.
Un dialogue rapproché entre enseignants et parents, une information au groupe scolaire, une valorisation des compétences de la personne sont autant de moyens d’accompagner cette période compliquée pour tout enfant, adolescent ou adulte.
Maman d’une jeune femme de 30 ans |
Une relation de confiance bienveillante est indispensable pour faire avancer les personnes
“ A la sortie de la maternelle, on nous a dit : votre fille n’est pas capable d’aller en CP et ne pourra pas apprendre à lire et écrire. Nous n’étions pas d’accord avec ce « jugement », nous sommes débrouillés seuls pour trouver une « structure » qui puisse la prendre en charge et elle a appris à lire et à écrire avec des personnes certes non diplômées mais qui ont su mettre en place la bonne méthode et croire en elle. ”
Maman d’une jeune femme de 30 ans |
Adapter les évaluations et le programme aux compétences particulières de la personne
“ Au bout d’un temps beaucoup plus important que chez tous les autres enfants, notre fille réussit enfin à tracer des boucles à peu près régulières sur son cahier. Pour les parents : victoire ! Quelle progression, elle arrive à maîtriser ce qu’elle fait avec son crayon et faire ce que demande la maîtresse !
Mais pour l’enseignante : elle a fait des boucles, certes, mais ce n’est pas « bien » car elle les a faites à l’envers !!!
Autre exemple : colorier un dessin composé de différents éléments en coloriant chaque élément
d’une couleur différente. Là encore, nous sommes émerveillés car il n’y a plus toutes les couleurs mélangées sur tous les éléments. Mais la maîtresse nous dit, là encore, elle n’a pas respecté la consigne et n’a pas mis la bonne couleur dans le bon élément !!!
Les référentiels d’évaluation classiques mettaient notre fille en échec alors qu’en analysant la situation à partir de ses particularités, elle faisait de grands progrès ! ".
De nombreux parents sont anxieux à l’idée d’une orientation dans le milieu spécialisé. Pourtant certains Institut Médico-Educatif (IME) ou classes spécialisées (CLasse d’Intégration Scolaire, Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire) ont des classes dans l’établissement à très petits effectifs. Le choix d’une orientation se pose avec plus d’acuité lors de la transition âge scolaire / vie adulte, mais peut se poser avant pour une orientation précoce. Un milieu spécialisé sera peut être plus favorable à l’enfant puisque l’enseignement y est personnalisé.
A l’adolescence, la personne peut exprimer des projets de vie qui seront irréalisables (projets de métiers improbables). Que leur dire ?
C’est le moment où la personne perçoit plus clairement sa différence, ses difficultés.
Un temps spécifique doit être dédié à l’annonce de ce « 2ème diagnostic » qui est l’annonce à la personne elle-même. Pour orienter vers les dispositifs spécialisés (IME, Établissement et Service d’Aide par le Travail, Foyers d’Hébergement) il faut attendre le bon moment, informer et expliquer beaucoup. Il s’agit d’être dans la vérité.
Les projets de ces adolescents ou adultes expriment un désir d’être dans la normalité. En réalité, entre les désirs et la perception concrète de ce que cela représente, il y a une grande différence. Ils ne sont pas forcément dans le concret : le désir d’habiter seul ne signifie pas pour eux le fait d’assumer le quotidien.
Il s’agit plutôt d’une imagination de la vie « ordinaire » avec des rêves de grossesse, d’enfants, de vie autonome. Des espaces de dialogue sont à ouvrir entre la personne et des professionnels, au sein de la famille. Pousser la logique du « milieu ordinaire » à tout prix est une stratégie qui peut générer beaucoup de frustration. Il est utile de régulièrement reposer les choses avec la personne, parler de ses envies, de son projet de vie et d’évaluer sa situation pour ajuster au mieux son parcours. Il s’agit d’observer et de comprendre en concertation avec les professionnels, ce qui sera le mieux pour la personne à un moment donné. Faire un « plan de carrière » n’est pas souhaitable. Il convient surtout de s’adapter au mieux. Une orientation vers le milieu spécialisé ne peut pas se faire dans l’urgence, cela se prépare.
Il existe des étapes différentes. Il ne faut pas voir une difficulté comme un retour en arrière. Rien n’est figé.
Là aussi, il est difficile d’avoir la bonne attitude : pousser à tout prix ou limiter les « ambitions », d’autant plus que sur ce plan, toutes les personnes ayant un syndrome de Prader-Willi sont différentes, n’ont pas les mêmes capacités intellectuelles et/ou d’apprentissage. De plus, sur ce sujet comme sur bien d’autres, il est parfois compliqué de faire la part des choses entre ce qu’ils ne peuvent pas faire et ce qu’ils ne veulent pas faire.
Pour préparer l’avenir professionnel, les IMPro organisent des stages dans différents ESAT pour essayer différents types d’environnement et d’occupation professionnelle.
Il est préférable de ne pas parler de période d’essai mais plutôt de stage. Le stage peut être présenté comme la découverte d’une activité professionnelle et le moyen pour le jeune et pour la structure de verifier si ce lieu est bien adapté. Il sera plus facile d’entendre « ce travail ne vous convient pas » ou « il semble que cette activité n’est pas adaptée à votre souhait », plutôt que « période d’essai non validée » pour une raison toujours négative.
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